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Journal des étudiants de Reims mobilisés contre la LRU

15 décembre 2007

Et ailleurs...

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13 décembre 2007

Informations utiles

1. Le "QG" du comité se trouve désormais dans la verrière, devant les nouveaux amphis, en face du RU.

2. Il n'y aura pas d'assemblée générale lundi, ni avant les vacances de Noël, d'ailleurs.

3. Mercredi soir, nous organisons un dîner dans une pizzeria entre nous (c'est-à-dire les étudiants mobilisés, c'est pas un dîner de cons, donc sarkozystes et autres improbables racistes s'abstenir). Inscrivez-vous avant lundi en fin d'après midi sur la fiche collée sur la vitre côté couloir des nouveaux amphis dans la verrière, pour savoir combien nous serons et réserver le restaurant. L'heure exacte et le lieu seront précisés lundi ou mardi prochain.

10 décembre 2007

Communiqué de presse du 10 décembre 2007 envoyé aux médias

   Nous, étudiants mobilisés, reconnaissons la légitimité de l'assemblée générale qui s'est tenue aujourd'hui de 12h30 à 15h00 dans la halle des sports du campus Croix-Rouge appelant à la levée du blocage de la faculté.

   Néanmoins, notre action doit continuer et continuera jusqu'à l'abrogation totale et sans conditions de la loi dite « LRU » comme nous le demandons depuis le début de notre mouvement. Par conséquent, nous organisons des manifestations mardi 11 décembre à 21h30 à la fontaine de la Solidarité (place d'Erlon) et jeudi 13 décembre à 14h00 à la maison des syndicats (bld de la Paix). D'autre part, l'université populaire reste ouverte à tous ; les conférences se tiendront toujours sur le campus. Les étudiants encore en lutte porteront désormais un brassard blanc sur lequel il sera inscrit « LRU ». Enfin, une nouvelle assemblée générale est d'ores et déjà programmée pour lundi prochain à la même heure que la précédente afin de discuter une nouvelle fois de la suite à donner à notre contestation.
   En notre nom d'étudiants mais aussi de citoyens, nous ne pouvons que condamner les violences policières dont certains de nos camarades ont été la cible dans d'autres universités de France et dans la rue lors de manifestations.
   Nous souhaitons préciser que nous sommes convaincus qu'une réforme de l'Université est nécessaire, voire indispensable. Toutefois, celle que nous propose actuellement notre gouvernement en annonce la mort à plus ou moins court terme et ne nous convient absolument pas, pour les raisons que nous connaissons et exposons régulièrement. Nous appelons à rester mobilisé et à ne pas faiblir malgré ce déblocage. Les diverses actions et manifestations qui seront menées dans ces prochains jours doivent être massives pour montrer au gouvernement et à l'opinion publique toute notre détermination à voir perdurer le service publique dans l'enseignement supérieur.

10 décembre 2007

Résumés, explications et commentaires concernant les changements apportés par la LRU comparée au texte du Code de l'Education.

Préparé à partir du projet de loi par les participants de l’AG des personnels de Reims (30 juin 2007)

et mis à jour par Isabelle Krzywkowski

Rappel : le texte intégral de la loi est accessible à l’adresse :

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ESRX0757893L

[vous pouvez aussi aller sur google et taper « lru legifrance » : vous tombez sur le site de Légifrance, où se trouvent tous les textes de loi.]

Pour la comparaison, on trouvera le Code de l’éducation à l’adresse :

http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnCode?code=CEDUCATL.rcv

D’accord, c’est bien long, et pas drôle à lire, mais… c’est la loi

Si vous manquez de temps, vous pouvez lire prioritairement les articles 7, 11, 18 et 19, 20 et 28 !

Titre Ier : Les missions du service public de l’enseignement-supérieur

2 nouvelles missions (portant à 6 les missions de l’université, alors que 3 seulement sont reconnues dans les services des personnels enseignants) :

• L’une appelle peu de commentaires : la « participation à […] l’espace européen » aurait pu être incluse dans la mission 6 (et ex 4) de « coopération internationale.

• L’autre est « l’orientation et l’insertion professionnelle », mission n°3 :

Elle passe après « la formation initiale et continue » et « la recherche scientifique et technique, ainsi que la valorisation des résultats », mais AVANT « la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique » et « la coopération internationale ».

- C’est privilégier l’orientation des formations comme réponse aux demandes du monde du travail, essentiellement local qui plus est (cf. suite), au lieu de construire des qualifications et des diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives et permettant un esprit critique et une vraie mobilité.

- C’est aussi faire porter à la formation initiale universitaire une responsabilité dans l’insertion professionnelle en dispensant (au moins en partie) les autres organismes de s’en préoccuper (services publics, entreprises publiques ou privées, collectivités, organismes divers…).

Or la mission de l’enseignement supérieur est au contraire d'accroître la liberté des étudiants qui font confiance à la formation universitaire pour les aider à construire leur avenir.

- Enfin, aucune aide n’est apportée pour cette nouvelle mission, qui demande pourtant des créations de postes spécifiques relevant des compétences des services d’orientation (SIOU).

Titre II : La gouvernance des universités

Article 2 : Les prises de décisions portant sur les statuts au conseil d’administration (CA) passent de la majorité des deux tiers à la majorité absolue.

Cela diminue les capacités de blocage, mais tout est mis par ailleurs en place pour que la majorité soit plus facile à obtenir : compte tenu d’un mode scrutin de type « majoritaire » pour les enseignants-chercheurs (cf. Article 11) et de la place des personnalités extérieures (cf. Article 7), c’est la porte ouverte aux changements continuels de statuts en fonction du président élu. C’est donc la mise en cause du principe même des statuts d’une instance : offrir des garanties stables contre l’arbitraire et les majorités de circonstance (cf. commentaire de l’article 6).

Le chapitre II = Article 6 : concerne le président :

• Il est désormais élu par le seul conseil d’administration (CA), pour 4 ans, renouvelable une fois, parmi les enseignants et chercheurs de l’université mais aussi parmi les « associés ou invités, ou tout autre personnels assimilés ».

- Il n’appartient donc pas nécessairement à l’université, et peut même n’avoir jamais enseigné.

- Auparavant, le président était élu par l’ensemble des 3 conseils de l’université : CA (conseil d’administration ), CS (Conseil scientifique) et CEVU (Conseil de la vie universitaire). Le système type « grands électeurs » est donc encore restreint (aux membres élus du CA, soit 13 à 23 personnes seulement), puisque les élus CS / CEVU n’interviennent plus (alors que ce sont les seuls conseils où la représentativité par secteurs de formation devrait être vraiment assurée : cf. article 10).

Tout cela va dans le sens d’une « professionnalisation » de la fonction du président qui explique la crainte de le voir se transformer en « PDG » ou en « manager » [voir aussi plus loin l’augmentation considérable de son pouvoir financier : cf. article 18 et 19], alors qu’il était jusqu’à présent choisi « parmi ses pairs », et amené à reprendre des activités d’enseignement et de recherche à la fin de son mandat.

Ce changement dans les habitudes n’est pas forcément mauvais (du moins, il mérite discussion). Mais le vrai problème est que dans les structures où le président est ainsi choisi pour ses compétences de gestionnaire, son rôle est celui d’un exécutif, sous le contrôle d’un CA devant lequel il est dit « responsable » = un CA qui peut le révoquer et où il n’a pas de droit de vote : il y a donc un contre-pouvoir. Or la situation est ici complètement différente, puisqu’elle concentre au contraire les pouvoirs entre les mains d’un président élu par un très petit nombre : dans un CA de 20 membres – cf. article 7 –, le Président pourra compter a priori (du moins dans un premier temps) sur au moins 7 voix des élus et sur les 7 voix des personnalités extérieures qu’il a nommées : autant dire un pouvoir très confortable, et pas de contre-pouvoir.

La suite confirme ce pouvoir très – trop – élargi :

• le président a désormais le pouvoir d’empêcher toute affectation des personnels par un « avis défavorable motivé »

C’est la création d’un quasi droit de veto, entre autres sur les recrutements. Même si

la Minsitre

assure que la nécessité de « motiver » un avis ( = d’expliquer le refus) est une garantie, ceci reste tout à fait insuffisant (on peut maquiller les raisons) et permettra au mieux de faire appel contre la décision (ce qui contribuera à ralentir les démarches de recrutement que cette loi prétend simplifier).

Dans le même sens, les articles 7 et 8 accorde au président une « voix prépondérante » en cas de partage des voix au CA. Outre la professionnalisation, le pouvoir des présidents est sans ambiguïté accru par rapport au texte de loi précédent (ce qui explique aussi que

la Conférence

des Présidents d’Université (CPU) soutienne le projet).

• le président peut désormais déléguer sa signature également à des personnes qui n’ont pas été élues (les « agents de catégorie A [ = administration responsable] placé sous son autorité »).

La délégation de signature n’était jusqu’à présent autorisée qu’aux vice-présidents, au secrétaire général et aux responsables de composantes. Le fait de pouvoir la donner à des agents non élus caractérise une nouvelle fois le caractère autocratique que la loi veut donner au pouvoir du président.

Le chapitre III concerne les Conseils d’université :

Article 7 : il définit la composition et les attributions du conseil d’administration (CA).

1) La question du nombre :

Le CA comporte désormais 20 à 30 membres : 8 à 14 pour les personnels enseignants et chercheurs ; 7 à 8 personnalités extérieures ; 3 à 5 étudiants en formation initiale ou continue ; 2 à 3 personnels non enseignants.

À noter également le complément de l’article 43 : si, dans les 6 mois suivant publication de la loi (août), le CA sortant n’a pas statué sur la taille du nouveau CA, il sera automatiquement porté à 20 membres.

Pour mémoire, la situation jusqu’alors était la suivante : CA de 30 à 60 membres, comprenant 40 à 45 % de personnels enseignants et chercheurs ; 20 à 30 % d’extérieurs ; 20 à 25 % d’étudiants ; 10 à 15 % de personnels non enseignants.

Suite à la mobilisation du mois de mai-juin (et oui, ça avait déjà commencé !), on est passé de 20 personnes à « 20 à 30 ». Est-ce une vraie victoire ?

- On remarque la baisse de la représentation étudiante (qui pourrait descendre jusqu’à 10,7 %) et des personnels non enseignants (qui pourrait descendre à 6,8 %). A contrario, on constate la possibilité d’une augmentation du nombre d’extérieurs, qui pourrait aller jusqu’à 38 %,  = 8 / 21 (d’autant que la variation qui les concerne, 7 à 8, est très limitée) ; à quoi s’ajoute le fait que le président lui-même peut désormais être un « extérieur », alors que ce même article lui donne une « voix prépondérante » en cas de litige : la majorité absolue de l’article 2 devient très facile à trouver).

De plus, la suppression des pourcentages n’est pas anodine, car elle garantissait une représentativité constante (mécanique). Ex : 20%  = 4 représentants sur 20, 6 sur 30 ; avec la nouvelle loi, rien n’interdit de choisir 4 sur 30. De ce fait, la constitution des CA devient très aléatoire (comment fait-on à 25, par exemple ?).

- On passe donc d’un CA où la représentativité, non seulement des différentes composantes, mais même « de toutes les grandes disciplines enseignées » [phrase supprimée dans le nouveau texte !: cf. article 10] était garantie par la loi, à un CA de quelques élus seulement.

En somme, la loi privilégie le caractère institutionnel au détriment de la compétence scientifique et de sa diversité. Il est évident que les universités pluridisciplinaires comme la nôtre seront particulièrement touchées par ces changements.

- Enfin, on voit mal en quoi cette réduction des instances permettra de résoudre les dysfonctionnements institutionnels dénoncés par la communauté universitaire elle-même : cela risque au contraire d’aggraver les négociations parallèles « de couloirs », au détriment d’une amélioration de la pratique démocratique.

2) La question des personnalités extérieures :

Les personnalités extérieures sont nommées par le Président d’université.

- La première version du texte supprimait le vote en CA ; la version définitive précise que la liste sera approuvée par le CA : c’est un progrès, mais vous remarquerez qu’il s’agit d’un avis sur la liste, et non plus sur les personnes (donc on accepte tout le monde ou on rejette tout le monde, puisqu’on ne peut « barrer » quelqu'un).

- Une partie des représentants est d’origine clairement déterminée : « au moins un chef d’entreprise ou cadre dirigeant d’entreprise » ; « au moins un autre acteur du monde économique et social » ; « 2 ou 3 représentants des collectivités territoriales ». En passant, disparaît la mention jusqu’alors explicite de représentants des « organisations syndicales d’employeurs et de salariés », de même que ceux des « organismes du secteur de l’économie sociale, des associations scientifiques et culturelles, des grands services publics et, éventuellement, des enseignants du premier et du second degrés ». A noter aussi que l’idée qu’il devait y avoir un « ancien » de l’université – ce qui n’était pas inintéressant – a justement été supprimée dans la version définitive.

Toutes ces disparitions, si elles ne signifient pas qu’on ne puisse plus faire appel à ce type de membres extérieurs, n’en sont pas moins emblématiques. Le choix discrétionnaire du Président, sous réserve d’une approbation des élus du Conseil qui l’ont lui-même élu, donc soutenu, se substitue à la volonté d’une diversification des personnalités extérieures.

On peut craindre par ailleurs que le nombre de « membres extérieurs » soit utilisé moins pour leur utilité dans la vie de l’université, que pour remercier et rassurer les organismes qui financent. C’est une des manières par lesquelles le « privé » peut effectivement peser sur l’ensemble de la vie et des choix des universités, et pas seulement en ce qui concerne la recherche.

3) La question des attributions du conseil d’administration [CA] :

Approbation du budget (l’article ajoute aussi aux sources de revenus des universités la possibilité de créer des fondations : cf. article 28 et son commentaire) et de la politique scientifique et pédagogique. La version définitive ajoute l’approbation par le CA d’un rapport annuel présenté par le Président.

Ce rapport annuel est la seule limitation aux pouvoirs du président, face à un CA où il est quasi assuré de la majorité. En revanche, les fonctions du CA sont définies de manière plus restrictive, puisque l’adverbe « notamment », présent dans l’ancien texte avant l’énumération de ses fonctions principales, a disparu du projet de loi.

Articles 8 à 10 : concernent le conseil scientifique (CS) et le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU).

Le projet révisé ajoute la mention d’un vice-président [VP] étudiant au CEVU et ajoute un article (article 10), mentionnant la « représentation des grands secteurs de formation ».

On notera un glissement sémantique général et significatif : les deux conseils, qui jusqu’alors « proposaient », ne sont plus désormais que « consultés ».

D’autre part, on peut se demander pourquoi l’équivalent de l’article 10 (représentation des grandes disciplines) n’existe pas pour le CA : ces différences dans la formulation sont évidemment symboliques d’une perte d’initiative.

Article 11 : concerne les modalités de vote dans les conseils.

La possibilité de listes incomplètes est rétablie dans la nouvelle version du texte, qui ajoute également un paragraphe instituant l’obtention automatique de la moitié des sièges pour la liste ayant obtenu le plus de voix, l'autre moitié étant répartie à la proportionnelle entre toutes les listes, y compris donc celle qui a remporté la première moitié des sièges. (c’est ce qu’on appelle la « représentation proportionnelle au plus fort reste »)

La nouvelle loi détériore encore la représentation démocratique. En effet, le mode de répartition, qui favorise la liste majoritaire, est calqué sur celui des conseils municipaux  = si la liste majoritaire fait, par exemple, 30 % des voix, elle gagnera quand même 50 % + 1 des sièges !

En d’autres termes, la loi transforme toute représentation minoritaire en simple observateur : en fait, il n'y aura plus aucun contre-pouvoir, ni contrôle du président (forcément choisi par la liste majoritaire) par le CA.

Le chapitre IV concerne les composantes :

Pas de changements majeurs, sinon que le glissement sémantique relevé plus haut perdure : on passe des « propositions » aux « avis ».

Le chapitre V concerne le Comité technique paritaire (CTP) :

C’est un comité consulté sur la politique de gestion des ressources humaines.

Le problème, c’est qu’il existe déjà l’équivalent (qui s’appelle CPE [commission paritaire d’établissement]), qui ne disparaît pas : pourquoi ce doublon ?

Le chapitre VI concerne le contrat pluriannuel :

C’est une partie technique sur les contrats que les universités doivent passer avec l’Etat et avec la région.

Elle permet aussi de créer des liens avec l’autre loi récente (2004) dite « Pacte pour la recherche », loi elle aussi largement contestée, pour des raisons similaires : désengagement de l’Etat ou financements strictement ciblés, sur projet (donc sur court terme), absence de solutions pour les jeunes chercheurs et développement de la précarité, etc. Je n’entre pas dans le détail, mais vous donnerais des informations si vous le souhaitez.

Titre III : Les nouvelles responsabilités des universités

C’est ce qui concerne l’élargissement des compétences  = de « l’autonomie » des universités

Le chapitre Ier concerne le budget et les ressources humaines :

Article 18 :

Passage au budget global, avec limitation des « montants affectés à la masse salariale » et « plafond des emplois »

= la désormais célèbre « fongibilité asymétrique » : on peut supprimer des emplois pour mettre l’argent ailleurs, mais pas le contraire.

Article 19 :

• le conseil d’administration (CA) est désormais chargé de répartir les obligations de service entre enseignement / recherche / autres missions, « dans le respect des dispositions statutaires applicables ».

Dans notre jargon, c’est ce que nous appelons la « modulation des services » : c’est un point très controversé chez les enseignants, car il met en cause le statut des enseignants-chercheurs = un métier où tout le monde peut faire à part égale de l’enseignement et de la recherche.

- Je ne rentre pas dans le détail de nos craintes (par exemple : comment le président et le CA peuvent-ils décider qui a le droit de faire de la recherche ou pas ?), mais j’insiste sur un point : nous craignons fortement que cela signifie aussi qu’on pourra interdire aux enseignants intervenant en L de faire de la recherche, ou du moins, qu’on pourra les obliger à faire plus d’heures de cours.

- Or, particulièrement en Lettres et sciences humaines, les cours sont, dès la première année, appuyés sur la recherche. C’est ce qui fait la différence entre un cours de lycée, ou de classe préparatoire, et un cours de fac, et nous le revendiquons ! L’université, vos enseignements, sont absolument « en prise » avec la recherche la plus contemporaine, ils sont eux-mêmes créateurs de savoir et de questionnements.

- De plus, cela rejoint un autre projet : faire du L un « super lycée » (pour tous) et réserver la « vraie université » aux M et D auxquels tout le monde ne pourra pas accéder et qui ne seront sans doute pas préservés partout [si vous voulez, nous pourrons aussi reparler de l’articulation de la loi LRU et du système LMD, ainsi que de la future géographie des universités, en particulier les « PRES », regroupement de certaines universités en « pôles d’excellence » concurrentiels] : c’est ce qui fait craindre une « université à deux vitesses » pour les enseignants comme pour les étudiants.

• délégation au président de l’attribution de primes (selon quels critères ?) et au CA de la création de dispositifs d’intéressement ;

• possibilité pour le président de recruter, sur budget propre de l’établissement, des agents contractuels sur TOUT TYPE d’emploi (y compris enseignement-recherche), permanent ou non ;

C’est, on le voit, l’un des articles les plus dangereux du projet, car c’est là que sont mis en cause tous les cadres statutaires de la fonction publique, alors qu’il existait jusqu’alors un paragraphe interdisant le recrutement en CDI (il est bien sûr abrogé).

En clair, ces nouvelles dispositions budgétaires signifient :

1) le budget global incluant les salaires, ceux-ci deviennent une variable d’ajustement. Leur limitation interdit de créer plus d’emplois qu’autorisé (l’autonomie n’est pas vraie partout). C’est ce qui ouvre la possibilité pour les présidents d’université de développer et de pérenniser l’emploi précaire chez tous les personnels, y compris les enseignants-chercheurs.

Par ailleurs, les droits d’inscription étaient, avant cette loi, retirés du montant de la dotation globale de fonctionnement [DGF] : leur modulation / augmentation n’apportait donc pas de ressources supplémentaires à l’université. On peut se demander si ce sera encore le cas dans le cadre d’un budget global : c’est bien cette autonomie budgétaire des universités qui laissent penser que les droits d’inscription pourraient augmenter.

2) la possibilité de recruter en dehors des statuts de la fonction publique d’Etat, qui implique entre autres le recrutements sur concours – et justement, les postes mis aux concours ne cessent de baisser ! D’où le risque de voir se développer des emplois non seulement CDI, mais bien sûr CDD, répondant à la logique de « projet », de « mission », d’« objectif » et de « résultat » : c’est impensable pour la recherche sur le long terme et c’est inadmissible, car cela supprime des emplois dans la fonction publique.

3) D’où, aussi, la crainte de voir disparaître des filières. Pour une fois, faisons un peu de « fiction » : si le gouvernement ne pourvoit plus à l’ensemble des demandes de création de postes (justement : aucun poste créé cette année !), voire de renouvellement de postes (ce qui est prévisible, ne serait-ce qu’à cause de la volonté de supprimer la moitié des postes de fonctionnaires partant à la retraite), l’Etat reporte sur les universités le choix de maintenir ou non les emplois qu’elle a déjà (c’est aussi ça, l’autonomie !). Or, quelles possibilités restent offertes à l’établissement ?

- soit il « redéploie » les emplois = il en prend un dans une filière pour le donner à une autre : il met ainsi les départements, les spécialités en concurrence ;

- soit il embauche sur budget propre de l’université, mais des collègues hors statut et souvent précarisés (en CDD) ;

- soit, puisque dans ce budget global, la masse salariale et les emplois sont les seules variables d’ajustement, il ferme les emplois – et ce sera lui le fautif, non pas le gouvernement !

Ajoutons : quels emplois fermer ? vertueusement, on va dire : ceux qui sont en sous-service (= des postes pour lesquels il n’y a plus assez d’heures de cours), via le redéploiement. – Peut-être, mais c’est déjà en partie fait, car les universités manquent d’argent depuis longtemps. Alors, quand il n’y aura plus de postes à déplacer ? Il faudra bien commencer à supprimer des enseignements : pas ceux qui correspondent aux besoins professionnels locaux, bien sûr ; pas ceux non plus qui correspondent à des fléchages recherche « d’excellence » ou financièrement intéressants (et peu importe qu’ils correspondent alors à des besoins d’enseignement). Chacun tirera ses conclusions…

4) la modulation, non seulement des services (cf. ci-dessus), mais aussi des salaires via les primes : elles dissimulent le refus d’augmenter les salaires et mettent l’ensemble des personnels dans un rapport de concurrence. Ajoutons que la notion « d’intéressement » financier, tout à fait nouvelle dans la fonction publique, montre bien que la logique qui sous-tend est celle de l’entreprise.

Le chapitre II  concerne les autres « responsabilités » / « compétences » :

D’abord les étudiants :

Articles 20 et 21 : concernent les modalités d’admission pour les étudiants.

Ces articles réaffirment la liberté de s’inscrire dans l’établissement de son choix, mais sous réserve d’une préinscription. Ils créent un bureau d’aide à l’insertion professionnelle et obligent les universités à publier des statistiques de réussite (examens, poursuite d’étude, insertion professionnelle).

Mais ce dispositif apparemment plein de bonne volonté (la préinscription doit permettre d’accéder à « un dispositif d’information et d’orientation ») risque de devenir un dispositif de sélection caché. En effet :

- D’une part, ce dispositif est soumis à la capacité d’accueil des filières (déjà prévue dans la loi de 1984, mais peu utilisée jusqu’à présent) – or il n’est pas précisé qui la définit (elle est simplement dite « constatée par l’autorité administrative ») : comme, on l’a vu, le budget global tendra à obliger les établissements à réguler eux-mêmes leur offre. C’est la porte ouverte au numerus clausus (forte incitation par ailleurs), voire à la disparition pure et simple de certaines offres.

- D’autre part, une commission d’orientation a logiquement pour fonction de définir les conditions permettant de décider qui répond aux critères de la formation, donc quel bachelier doit être privilégié si les capacités d’accueil sont limitées.

- Par ailleurs un bachelier qui souhaite intégrer une licence non préparée dans son université pourra avoir des difficultés à s’inscrire dans une université d’une autre académie.

Quelle solution s’offre au bachelier refusé faute de place ?

Un tel dispositif – aux effets décourageants reconnus – existe de fait déjà plus ou moins en région parisienne, par le biais des préinscriptions électroniques (dites « Ravel »). Que constate-t-on ? soit le bachelier demande la même discipline dans plusieurs établissements – mais cela ne fonctionne, on le voit, qu’à l’échelle d’une région disposant de plusieurs établissements analogues (ou alors il faut beaucoup de bourses de mobilité, et… vous savez ce qu’il en est) –, soit il propose plusieurs disciplines dans le même établissement (dans le système « Ravel », il est d’ailleurs obligé de proposer au moins 2 disciplines dans un même établissement).

Conséquences : refusé faute de place, ou parce que la formation n’existe pas (ou plus !) dans son académie, le bachelier devra :

• soit accepter (ou être inscrit d’office dans) une formation non demandée en priorité (voire contre son gré ?) : c’est mettre en place sans le dire ce que N. Sarkozy appelait « l’orientation sélective » (cf. sa lettre à

la Conférence

des présidents d’université [CPU] du 15 février 2007) ;

• soit arrêter ses études, faute de bourse de mobilité, et surtout parce que rien ne garantit dans le texte qu’il pourra s’inscrire de plein droit dans une autre académie.

Ces mesures commencent donc à mettre en œuvre les préconisations des rapports Goulard et Hetzel (commission « université-emploi »).

- Enfin, les enseignants s’inquiètent de ce que l’insertion professionnelle pourrait devenir l’élément principal d’évaluation des universités, et se demandent aussi avec quels moyens, en particulier en postes, tout cela pourra être mis en place.

Ex-article 18 : concernant la sélection à l’entrée en M : supprimé en juin

On attend de voir ce qui sera proposé dans le cadre des chantiers « Réussite en licence » qui doit devenir un « diplôme terminal permettant l’insertion professionnelle » – et « Jeunes chercheurs ». Mais vu les commentaires précédents, on se rend bien compte qu’un tel article n’était pas nécessaire dans la loi : la sélection peut se faire par d’autres moyens.

Article 22 : ouvre la possibilité pour le président de recruter des étudiants « notamment pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque »

Plutôt que des bourses, c’est donc un travail que le texte se préoccupe de fournir aux étudiants (pas forcément de l’établissement). Certes, cela pourra sans doute prendre en compte leur spécialité. Mais on ne peut que s’inquiéter de voir ainsi institutionnalisé le risque de concurrence entre personnels titulaires et vacataires, en particulier dans les bibliothèques : est-ce ainsi que le gouvernement résout les graves insuffisances de recrutement dans les BU ? mais n’est-il pas inadmissible de mettre ainsi en cause le statut des personnels des bibliothèques et de laisser entendre que leur travail n’exige pas de compétences particulières ? Il y a donc là à la fois une question de solidarité et de respect d’un travail qualifié, qui est aussi pour les étudiants un débouché professionnel réel.

Ensuite concernant les personnels :

[Article 24 : sur les personnels qui viennent d’autres organismes de recherche]

Article 25 : à la place des « commissions de spécialistes », la loi établit un « comité de sélection créé par délibération du CA » et comprenant pour moitié au moins des membres extérieurs à l’établissement. Depuis la 2e version du projet de loi, il est précisé que les membres seront « choisis en raison de leurs compétences [ouf !], en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause ».

C’est un autre point qui met les enseignants-chercheurs en colère.

- En effet, la règle jusqu’à présent était celle du « jugement par les pairs » = seuls les spécialistes d’une discipline peuvent juger les membres de cette même discipline. Il y a d’abord une évaluation nationale par discipline (les Commissions Nationales des Universités, ou CNU, dont on craint la disparition à moyen terme, puisque la loi précédente sur la recherche a créé une autre instance d’évaluation, entièrement nommée par le ministère, alors que les CNU sont aux 2/3 élus) ; puis un recrutement par concours national sur un poste local, qui était jusqu’à présent géré par des « commissions de spécialistes » que cette loi supprime : certes, elles ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante, mais on voit mal en quoi ce nouveau dispositif contribuera à simplifier la situation (soit il ne pourra pas respecter les disciplines, soit il sera encore plus compliqué que le système ancien qu’il dénonce, puisqu’il faudra changer sa composition à chaque fois).

En tout cas, ce mode de fonctionnement concentre encore un peu plus de pouvoir entre les mains du CA (c’est un outil supplémentaire pour la gestion des emplois) et ne garantit plus la parité entre les différents grades d’enseignants.

La suppression des commissions de spécialistes au profit de « comités de sélection » met en péril la compétence en termes de recrutement et renforce le clientélisme mandarinal et / ou présidentiel. Ce dispositif confirme que la logique de la loi repose sur la mise en cause du principe même de l’université : produire et transmettre des savoirs dans une cohérence disciplinaire.

- Pour les jeunes chercheurs, ce dispositif a surtout cela d’inquiétant qu’on ne voit plus comment pourra être préservée la « campagne nationale de recrutement » = le fait qu’à une même date, tous les postes vacants du territoire sont mis au concours par le ministère avec publication nationale de tous les emplois. Les universités pourraient désormais pourvoir un poste quand elles le veulent : comment un jeune docteur de Reims pourra-t-il être informé de ce que propose Bordeaux ? Il faudra bien du bouche à oreille et du copinage.

Enfin concernant des questions budgétaires :

Article 28 : donne l’autorisation de créer des fondations

Les fondations sont un outil nouveau qui, comme les dons / legs, permet de créer des sources de financement mixte public / privé. La différence est cependant qu’une fondation choisit et impose l’utilisation des fonds (ce qui n’est pas le cas pour un don ou un leg).

C’est donc, d’une part, un élément supplémentaire permettant aux universités de chercher de l’argent hors du financement de l’État. Mais d’autre part, cela constitue une mise en cause de l’autonomie pédagogique, puisque les universités ne seront plus maîtres de l’affectation d’une partie de leurs fonds, et donc du choix des disciplines correspondantes : c’est le modèle  des « chaires » à l’américaine, dont le contenu (et parfois les intervenants) est fixé par l’entreprise ou l’institution donatrice (ce qui sera d’autant plus facile si ces donateurs se retrouvent membres extérieurs au CA : cf. article 7).

Le principe de la fondation suppose aussi « l’affectation irrévocable » (= ne peut être utilisé pour autre chose) des moyens qu’elle fournit. Il n’y a plus aucune péréquation possible au sein de l’établissement.

Articles 31  : concernent une modification du code général des impôts, où étaient établis les dispositifs permettant la rémunération des prestations proposées par l’université : brevets, création des Services d’Activités Industrielles et Commerciales [SAIC], permettant d’investir dans des participations et des créations de filiales.

- Ce caractère commercial, qui peut paraître déplacé pour un service public, a été discuté en son temps. La nouveauté tient à la disparition de la mention « Dans la limite des ressources disponibles dégagées par ces activités » (= la prise de brevets et de licences) : budget global oblige, tout devient susceptible d’être investi.

- D’autre part, les dons des particuliers (comme pour les entreprises) ouvrent désormais droit à une réduction d’impôt sur le revenu. Cette clause valant pour tous les établissement habilités à délivrer le GRADE (et non le diplôme) de master, il est également possible de faire des dons à des établissements privés..

Article 32 : autorise les établissements qui le souhaitent à demander la propriété de leurs biens mobiliers et immobiliers et à passer « un contrat conférant des droits réels à un tiers ».

Cette clause est dangereuse pour plusieurs raisons :

- la vente ou l’hypothèque de ces biens (publics !), désormais autorisée par l’article suivant, devient un moyen pour les universités d’abonder leur budget (l’article 33, qui énumère les ressources propres, ajoute explicitement ces ventes aux ressources possibles des établissements)… ou d’apurer leur dette…

- contrairement aux fondations universitaires, l’université est personnalité morale selon l’article 711-1 : son patrimoine propre serait donc soumis à toutes les règles du patrimoine, incluant la possibilité d’être hypothéqué ou attaqué en justice ;

- l’état de dégradation des campus laisse craindre que la charge des rénovations retombe sur le budget des universités. Il est certain en tout cas que cette clause crée des inégalités supplémentaires entre les universités disposant de locaux de centre-ville, susceptibles d’être vendus ou loués, et celles dont les locaux sont sur des terrains excentrés ou sans valeur.

- Enfin on notera qu’aucun personnel supplémentaire compétent n’est prévu pour traiter ces nouvelles questions.

La porte est ainsi grande ouverte aux contrats de partenariat privé-public, et au transfert au privé des emplois de maintenance, entretien et gestion qui jusqu'à présent étaient pourvus par du personnel de la fonction publique.

Globalement, toutes ces mesures vont dans le même sens : suppléer le désengagement financier de l’État et faire dépendre l'enseignement supérieur et la recherche de financements alternatifs (en particulier du secteur marchand), avec le risque de créer des universités riches (celles qui auront pu se doter de fondations, de labos, d’Écoles doctorales, etc.) et pauvres (celles qui seront réduites au L ?)

En somme, ce n’est pas tant la loi que les dérives qu’elle rend possible qui inquiètent : comme le soulignait un étudiant, tout se passera bien si tout le monde est très honnête, très compétent, très gentil et très riche…

5 décembre 2007

Droit de Réponse à "L'Union"

    Droit de réponse à l'article paru dans L'Union de Monsieur Gille Grandpierre du mercredi 5 décembre 2007 intitulé Universités : léger sursaut du mouvement de contestation et sous-titré : Fac de Reims, bras de fer et confusion.

    Sans contester point par point certains passages que nous jugeons peu objectifs, nous tenons à rectifier les quelques inexactitudes flagrantes.
    Tout d'abord, il est faux d'écrire que le SNEsup a fait pression sur M. Vistelle pour annuler son vote prévu le mardi 4 décembre visant à consulter l'ensemble des personnels et étudiants du campus Croix-Rouge. Selon nous, le choix de M. Vistelle a été influencé par 1- l'AG des personnels (effectivement convoquée par le SNEsup) qui a condamné cette négation de la légitimité de l'AG des étudiants, 2- La condamnation de ce vote par l'AG des étudiants elle-même. Ces deux assemblées n'ont fait que condamner cette démarche, l'interprétant comme l'expression claire de son mépris pour les assemblées générales (ou pour les étudiants ?).
    D'autre part, concernant les cours qui ont effectivement eu lieu hors du campus Croix-Rouge, ils sont le fait de certains étudiants et enseignants ne reconnaissant pas les décisions collectives et s'organisant avec la complicité d'une administration X ou Y pour obtenir des locaux. Face à tant de ruses et de moyens pour contourner les décisions, nous ne pouvons que déplorer l'alliance des campus contre l'AG étudiante. Par ailleurs, concernant les irruptions de bloqueurs dans les cours sauvages, nous nous excusons auprès de monsieur Grandpierre de faire cesser des cours qui n'auraient même pas dû commencer. Là encore, le journaliste de L'Union, par ses tournures de phrase, nous semble prendre parti contre les étudiants mobilisés et il nous semble bon de lui rappeler qu'un étudiant respectant la décision de l'AG est dans ces cas-là pénalisé de fait face à ses camarades présents.
    De plus, l'expression "Dans un capharnaüm qui tient davantage du camping que du campus", malgré l'effort littéraire considérable, nous semble peu pertinente dans ce contexte. En effet, les dégradations majeures du campus nous semblent davantage liées au manque de moyens qu'au blocage. L'absence de violences physiques montre d'ailleurs une bonne gestion de ce blocage, y-compris de la prt des étudiants qui sont majeurs et responsables.
    Dernier point à préciser : le comité des étudiants mobilisés ne s'est pas installé dans un amphi (le numéro 2) du campus Croix-Rouge dans l'attente du conseil d'administration d'aujourd'hui (jeudi 6 décembre 2007), mais tant que ce mouvement continuera, jusqu'à l'abrogation totale de la loi dite "LRU", comme nous le réclamons.

    A tous ceux qui pensent que le mouvement étudiant s'essouffle, je ne dirai qu'une chose : ne confondez pas essoufflement et étouffement. Si nous manquons d'air, c'est parce que les médias tentent de taire notre contestation. Nous n'avons aucune faveur de ces derniers ou si objective que nous passons pour des fumistes, des extrêmistes et des immodérés. Nous dénonçons l'absence  d'un débat sur la répression policière que subissent les étudiants mobilisés partout en France. Est-ce normal que la violence réduise au silence l'opposition démocratique ? Est-ce normal de n'offrir la tribune médiatique qu'aux décisionnaires autoritaires ? Lorsque plusieurs milliers d'étudiants s'expriment, pourquoi taire leurs revendications ? Faut-il croire que l'information est désormais un monopôle du pouvoir ?
    A lille, lors d'une coordination nationale, nous avons appris qu'un collectif d'étudiants et d'enseignants en journalisme avaient lancé un appel national pour que - symboliquement - le 30 novembre dernier, notre cher président disparaisse des écrans et des journaux. Aucun grand média d'information locale, régionale ou nationale n'a souscrit à cette requête. Pourquoi ? Libre à vous de juger de la liberté d'expression en France à l'heure actuelle...

Fait à Reims, le mercredi 5 décembre 2006 par le comité des étudiants mobilisés contre la loi LRU du campus Croix-Rouge.

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5 décembre 2007

Assemblées Générales des mercredi 28 novembre et lundi 3 décembre 2007

AG du mercredi 28 novembre :

    Durant l'assemblée générale du mercredi 28 novembre, nous avons voté par répartition dans la salle à une large majorité la reconduction de blocage total du campus Croix-Rouge. Il faut préciser que nous entendons par blocage total le blocage de tous les cours à l'exception de ceux préparant à des concours nationaux, et des P1 (Médecine). Celui-ci s'oppose au blocage partiel voté par une minorité d'étudiants, ce blocage consistant en l'arrêt des cours uniquement les jours de manifestation (total ou partiel : dans le temps).
    Le premier choix proposé aux étudiants était de voter pour ou contre le blocage. Il a ensuite été demandé aux étudiants pro-blocage de choisir entre un blocage partiel et un blocage total. Malgré la non participation des partisans du déblocage, les observateurs ont estimé qu'une large majorité de l'ensemble des présents à ce vote s'était prononcée en faveur du blocage total. Précision utile : les observateurs désignés et "officiels" étaient au nombre de six : trois partisans du blocage, et trois partisans du déblocage.

AG du lundi 3 décembre :

    De nombreux votes ont eu lieu à l'issue de cette assemblée générale. A l'exception du vote concernant le blocage, chacun d'entre eux s'est déroulé par estimation visuelle, la clarté de ces votes n'ayant pas motivé une consultation plus précise. Il a donc été décidé que l'AG demandait :
- L'abrogation de la LRU (grève),
- Une seule AG par semaine au lieu de deux,
- Une condamnation des violences policières envers les manifestants anti-LRU dans toute la France,
- Des communiqués clairs, précis et non-contradictoires du président de l'URCA.
    Enfin, comme le vote par répartition dans la salle concernant le blocage s'est révélé très ambigu, il a été décidé - comme lors de l'AG du 21 novembre -  d'organiser des bureaux de vote avec une liste de l'ensemble des étudiants du campus. Nous regrettons le départ de nombreux étudiants ayant assisté à toute l'AG (ce pour quoi nous tenons à les remercier) avant d'avoir voté, ainsi que l'arrivée tardive d'autres étudiants venus expressément pour le vote. En effet, il nous semble illogique et même déloyal de participer à un scrutin dont on ignore tout ; la moindre des décences serait sans doute de s'intéresser à la question avant de prendre parti, quitte à mettre en péril ses propres opinions. A titre d'information pour eux, ainsi que pour les absents, le débat a été animé par différentes questions ; fallait-il s'opposer à la loi "LRU" ? , fallait-il ou non poursuivre le blocage malgré les propositions de Valérie Pécresse ? , fallait-il bloquer partiellement les cours ou totalement ? , fallait-il préparer la sortie du mouvement ou le poursuivre avec enthousiasme ? Evidemment des arguments ont été avancés pour contre, mais ceux-ci, vous ne les connaîtrez sans doute jamais. Pour conclure, le blocage de la fac a été reconduit avec un écart des votes moins net que lors des assemblées générales précédentes.

5 décembre 2007

Pétition

    Voici en lien la pétition demandant une autre réforme du service public de l'enseignement supérieur et la recherche.

http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1772

5 décembre 2007

Appel du 16 novembre de l'université de Paris VIII

Ce texte, écrit par des enseignants de l'université de Paris VIII, nous est apparu comme une bonne base de réflexion. Du fait de notre engagement commun, nous nous permettons de diffuser sur notre site cette explication de la loi qui, dans la foulée, doit être lue comme une explication du mouvement anti-LRU tout entier.

     Nous, enseignants-chercheurs, chercheurs et membres du personnel de l’université affirmons notre opposition catégorique à la loi dite LRU, notre soutien plein et entier à la mobilisation étudiante et notre participation à ce mouvement.

     Sous couvert « d’autonomie » (de gestion, mais ni intellectuelle ou scientifique) et afin notamment de favoriser la constitution de « pôles d’excellence » susceptibles d’améliorer la place des universités françaises dans le dérisoire « palmarès de Shanghai » (ou dans la course pour attirer les meilleurs « cerveaux »), cette réforme, d’inspiration manageriale, vise à amplifier la concurrence entre établissements du service public d’éducation et de recherche, laquelle risque à terme de transformer la majorité d’entre eux en « collèges » universitaires limités au niveau de la Licence, ainsi qu’à déléguer à ces établissements le soin de gérer le désengagement croissant de l’Etat concernant leur financement. 

     Ainsi, et pour faire face à une crise financière déjà présente, ces établissements sont fortement incités à se lancer sur le modèle, - apparemment indépassable- , des grandes écoles de commerce et de sciences politiques, dans la course aux fonds privés qui, par le biais des déductions d’impôt, deviennent une des portes de l’accès aux ressources publiques. De même, le recrutement de personnel non statutaire est vivement encouragé. En effet, la réforme anticipe les difficultés financières auxquelles seront nécessairement confrontées les universités qui ne parviendront pas à capter les ressources privées et publiques en les autorisant à recruter un personnel (enseignant, chercheur et administratif) sans statut. Nul doute qu’avec ces possibilités nouvelles de recruter sous contrats privés, les fonctionnaires seront de moins en moins nombreux dans les universités. Enfin, cette réforme aboutira inéluctablement à une augmentation progressive des droits d’inscription. Comme les collectivités territoriales aujourd’hui contraintes d’augmenter les impôts locaux si elles veulent se donner les moyens de mener une politique propre, les établissements qui n’intéressent pas directement le marché de l’emploi privé seront à terme nécessairement conduits à sélectionner leurs étudiants, et /ou à les solliciter financièrement au travers d’une augmentation généralisée des droits d’inscription (on parle de montants tournant autour de 3.000 / 4.000 euros). Cette augmentation, - officiellement repoussée pour des raisons essentiellement tactiques – est d’ailleurs réclamée par les parlementaires de l’UMP, comme par la Conférence des présidents d’université (CPU). 

     Sous couvert de « bonne gouvernance », qui ouvre également la porte à une évaluation du personnel par les « résultats » dont l’efficacité est loin d’être prouvée, cette réforme, - réclamée elle aussi fortement par la CPU-, balaye le principe de collégialité ayant traditionnellement cours à l’université et réduit considérablement le pouvoir des disciplines dans les recrutements. A ce titre, elle représente une régression tant démocratique que scientifique. En effet, elle augmente considérablement le pouvoir des présidents d’université transformés alors en autant de petits chefs d’entreprise ayant la haute main sur « leur personnel ». Ainsi, et au travers notamment de la disparition des anciennes « commissions de spécialistes » et de leur substitution par des « comités de sélection » ad hoc dont les membres sont proposés par le président, - comme du droit de veto de ces derniers sur les recrutements- , les futurs présidents exerceront un contrôle particulièrement étroit sur le recrutement de leurs «chers collègues». Présentés comme un remède au « localisme » qui affecte beaucoup de recrutements actuels, ces comités de sélection ne feront pourtant que renforcer les logiques de clientélisme. A cela s’ajoutent d’autres instruments de « domestication » du personnel, comme par exemple la définition de la répartition des obligations de service des enseignants-chercheurs entre enseignement, recherche et administration par le Conseil d’administration, la délivrance de primes par le président, la création de « dispositifs d’intéressement », le recrutement en CDI ou en CDD de personnels administratifs ou enseignants, etc.   

     Cette réforme contient donc une remise en cause du statut national de l’ensemble des personnels universitaires. Concernant les enseignants-chercheurs, elle est manifestement le prélude à la réforme de leur statut préconisée par Bernard Belloc, lequel est d’ailleurs conseiller de l’Elysée pour les affaires universitaires. Dans son rapport, celui-ci proposait notamment de dissocier les activités d’enseignement et de recherche en créant un nouveau corps d’enseignant du supérieur faisant deux fois plus d’heures d’enseignement que les autres. Cette dissociation de l’enseignement et de la recherche, qui permettra notamment au ministère de « faire plus avec moins » pour reprendre une expression chère aux consultants, est congruente avec la division, hiérarchisation accrue des établissements évoquée plus haut et représente aussi une régression scientifique sans précédent. Car ce qui fait le caractère universitaire d’un enseignement, c’est qu’il soit délivré par des enseignants qui sont aussi des chercheurs.

     Concernant les critères d’évaluation des universités et leurs nouvelles missions « d’orientation et d’insertion professionnelle », l’évaluation à l’aune de la réussite aux examens des étudiants aura probablement deux conséquences : les facultés tenteront de recruter prioritairement les étudiants qui ont le plus de chances de réussir leurs études (c’est le modèle déjà suivi par l’université Paris IX Dauphine) et/ou abaisseront le niveau d’exigence aux examens. Les étudiants les moins « rentables » seront donc « réorientés », -bien évidemment pour « leur bien »-, notamment au travers du nouveau dispositif « d’orientation active ». Quand à l’évaluation de la rentabilité par les taux d’insertion professionnelle de leurs étudiants, elle devrait logiquement inciter les universités à se mettre au diapason des discriminations qu’opèrent beaucoup d’entreprises lorsqu’elles embauchent. De ce point de vue, il deviendra problématique d’accueillir massivement, comme le fait aujourd’hui Paris VIII, les jeunes issus de l’immigration, les étrangers, ainsi que les jeunes filles, qui sont plus discriminés sur le marché de l’emploi (souvent quel que soit leur taux de réussite au diplôme). Mais chacun et chacune pourra ensuite librement saisir la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité)… Notre université risque donc de ne plus être un lieu de formation, mais un simple centre de tri.   

     Loin d’apporter une solution aux problèmes actuels de l’université française, cette réforme contribuera notamment à amplifier les inégalités sociales devant les études supérieures au nom d’une philosophie qui fait de la concurrence un garant de  l’adaptation aux « besoins » des publics. Ainsi, la démocratisation de l’université (partielle et limitée, mais néanmoins bien supérieure à celle de ces établissements déjà très « autonomes » que sont les grandes écoles) ne sera pas renforcée dans le sens d’une démocratisation des « résultats » (accès de tous à toutes les filières, tous les établissements, et au même niveau d’exigence), mais dans l’accès à un plus grand accompagnement vers le marché de l’emploi, au travers notamment de la généralisation des dispositifs précoces de « professionnalisation » et de la politique des stages (rarement rétribués…). Cette professionnalisation est d’ailleurs souvent présentée comme la panacée universelle censée répondre aux maux de l’université, comme à la demande sociale. Pourtant, il n’y a pas de véritable réflexion sur l’acquisition des savoirs génériques qui permettent ensuite les reconversions et la reprise d’études « tout au long de la vie ». De même, l’importance de la recherche est souvent soulignée par nos gouvernants (c’est le thème européen et sans cesse rebattu de « l’économie de la connaissance »). Mais au travers de la politique dite des « pôles d’excellence », celle-ci est vouée à devenir le privilège d’une minorité d’établissements, comme d’enseignants-chercheurs. Et on observe qu’alors, il s’agit d’une recherche de plus en plus instrumentalisée, phénomène notamment souligné par le mouvement SLR. De même, l’« échec » en 1er cycle n’est pas considéré à la lumière du financement insuffisant par étudiant (pourtant attesté dans les comparaisons internationales) comme des problèmes économiques rencontrés par certains groupes sociaux pour étudier, mais comme un besoin d’une meilleure « orientation ». Ce qui permet alors de déplacer la responsabilité des problèmes économiques et d’emploi vers l’université et par là-même de culpabiliser les enseignants-chercheurs défendant l’autonomie de la recherche. Enfin, la pénurie matérielle chronique dans laquelle sont plongées les universités françaises (voire même leur misère, si on les compare aux universités étrangères) n’est pas prise en compte non plus, ce que souligne bien le dernier budget de l’enseignement supérieur. 

     Contre cette remise en cause frontale du service public d’enseignement et de recherche, - et cynique, car s’opérant souvent au nom des intérêts supposés des étudiants et plus spécialement de ceux d’origine populaire auxquels par exemple certains économistes « équitables » voudraient faire croire qu’il est finalement de leur intérêt d’avoir des frais d’inscription beaucoup plus élevés - , il faut rappeler sans cesse la nécessaire pluralité des missions de l’Université, que sont notamment l’élaboration et la transmission des connaissances, le développement de la recherche comme de l’esprit critique et l’élévation générale du niveau de formation de la population. Celles-ci ne se résument donc pas, - comme voudrait le faire croire l’opinion économiciste dominante- , à la production d’une main d’œuvre immédiatement prête à l’emploi sous prétexte, et profitant du fait qu’elle a, certes, besoin de travailler. Chaque université a vocation à être un foyer scientifique et culturel vivant ouvert à tous, et notamment aux enfants de la démocratisation scolaire particulièrement nombreux dans notre université qui doivent continuer à y trouver un lieu d’émancipation intellectuelle, comme de promotion sociale. Et de fait, il n’y aurait pas de raisonnement plus méprisant que celui consistant à dire que ces jeunes sont tout juste bons à être précocement « professionnalisés » dans des universités de seconde zone, avec peu de recherche, et sous financées, tandis que d’autres, parce qu’ils sont bien nés, auraient le privilège de bénéficier d’une formation généraliste de haut niveau et tournée vers l’international, sur le modèle notamment des grandes écoles françaises, dont les budgets par étudiant n’ont, - faut-il encore le rappeler ?-,  rien de comparable avec ceux des universités…

     En conséquence, nous appelons nos collègues à se mobiliser, à ne pas pénaliser les étudiants au niveau des examens pour leur participation au mouvement, et surtout à y participer activement eux-mêmes, notamment en invitant les étudiants à réfléchir avec eux aux missions de l’université, comme à la fabrication des prochaines maquettes d’enseignement dans le cadre de la campagne d’habilitation dite du LMD2. L’université que nous voulons est d’abord celle des étudiants, des enseignants-chercheurs, chercheurs et de tous les personnels qui y travaillent, et non celle rêvée par les entreprises.

30 novembre 2007

L'UNIVERSITE POPULAIRE : Programme de la semaine du lundi 3 décembre au vendredi 7 décembre [En amphi 2 (Coquilles)].

Lundi 3 décembre :
17h00 : "Les franchises médicales" (Jean-Paul Domin, Sciences Economiques, URCA) - conférence/débat organisé par la LMDE.

Mardi 4 décembre :
10h00 : "La commune de Paris et les communes de province" (Jean-François Boulanger, Histoire, URCA) - conférence/débat.
17h00 : "Poésie et Politique sous Franco" (Emmanuel Le Vagueresse, Langues Romanes, URCA) - conférence/débat.

Mercredi 5 décembre :
10h00 : "La renaissance du théâtre politique aujourd'hui" (Jérémy Mahut, Lettres Modernes, URCA) - conférence/débat.
12h00 : Atelier de réflexion hebdomadaire sur la LRU et pour des propositions alternatives à cette réforme.
17h00 : "Ecrire sous la censure" (Cécile Millot, Allemand, URCA) - conférence/débat.

Jeudi 6 décembre :
10h00 : "Les droits des étrangers en France" (Camille, membre du Réseau Education Sans Frontières) - conférence/débat.
13h00 : Concert des étudiants en musicologie.
17h00 : "Le changement climatique" (Franck-Dominique Vivien, Sciences Economiques, URCA) - conférence/débat.

Vendredi 7 décembre :
10h00 : "Les contraintes budgétaires des Universités" (Jean-Marc Bascourret, Sciences Economiques, URCA) - conférence/débat.
16h00 : "The Take" par Avi Lewis et Naomi Klein - film et débat.

   L'entrée à ces conférences est libre d'accès à tous (étudiants, lycéens, enseignants, ainsi qu'à toutes les personnes extérieures à l'université) et bien sûr gratuite.

28 novembre 2007

L'UNIVERSITE DE DEMAIN - Article proposé par Martino Nieddu

   Pour info: la situation 'dans quelques années' si le mouvement n'aboutit pas,
   Le cahier des charges établi par l'Inspection générale des finances en France et annexé à la LRU -octobre 2007- se demande comment l'université va pouvoir financer son personnel, si elle est 'autonome' (et déploie les recours envisageables), cet article du N-Y Times nous explique comment elle y parvient tout à fait, aux Etats-Unis,   
   Bonne lecture.

   La diminution des postes de titulaires soulève l’inquiétude
   Par Alan Finder, New York Times, 20 novembre 2007 - Dearborn, Michigan.
   
   
Les professeurs titulaires ou assimilés1 forment désormais une nette minorité dans les campus du pays dans la mesure où, d’après les chiffres fédéraux analysés par l’Association américaine des professeurs d’université, la part des enseignants et professeurs à temps partiels embauchés sous contrat à durée déterminée s’est envolée.
   
Elaine Zendlovitz, ancienne manager dans un magasin, a commencé à enseigner à l’université il y a 6 ans. Elle est un exemple représentatif de ce changement. Techniquement, Mme Zendlovitz est professeur d’espagnol à temps partiel pourtant, dans les faits, elle enseigne presque à plein temps. Sa journée commence à Dearborn, Université du Michigan, avec des cours d’initiation. Certains jours, elle finit à 22h à l’Oakland Community College dans la banlieue nord de Detroit, qui fait partie d’une des quatre institutions où elle donne six cours. Mme Zendlovitz confie, pendant une pause dans sa journée de 10h d’enseignement : « Je pense que nous, les temps partiels, assumons la charge de travail d’un temps plein », mais elle affirme : « il est plus difficile de passer du temps avec les étudiants. Je n’ai pas de temps de préparation et pourtant je sais comment préparer un super cours ».
   
Le passage d’une université employant des enseignants titulaires à une université de travailleurs précaires résulte des pressions financières, de la volonté de flexibilité émanant des administrateurs quant à l’embauche, le licenciement et le changement dans l’offre des cours, ceci résulte enfin du nombre croissant d’universités publiques régionales et locales intéressées uniquement par l’enseignement basique et la préparation des étudiants à l’embauche immédiate dans les entreprises. Le phénomène a atteint un point tel que certaines universités, préoccupées par les effets néfastes sur la qualité de l’éducation, font machine arrière. L’Université Rutgers a conclu un accord salarial en août pour accroître de 100 postes le nombre de professeurs titulaires et assimilés. A travers le pays, les syndicats d’enseignants universitaires se sont saisis du dossier des employés contractuels à temps partiel et la Fédération américaine des enseignants pousse, dans onze états, le gouvernement à légiférer afin que 75% des cours soit assuré par des professeurs titulaires ou assimilés. D’après les études de l’association des professeurs, basées sur les rapports du Département Fédéral de l’Education, le nombre de contrats précaires - qu’ils soient à temps complet ou à temps partiel- est passé de 43% à 70% en trente ans dans le public, comme dans le privé.
   John W. Curtis, le directeur du syndicat de la recherche et de la politique publique, explique que le nombre de professeurs titulaires et assimilés a bien augmenté de 25% en trente ans mais que cette augmentation se retrouve noyée dans la croissance des personnels d’enseignement et de recherche auxiliaires. Au total, le nombre de personnels enseignants dans le supérieur a doublé depuis 1975.
   
Les dirigeants des universités admettent que le recours à ce type d’emplois est en pleine expansion mais certains contestent les calculs de la fédération sous prétexte que les définitions de « temps complet » et « temps partiel » varient et qu’il n’est pas possible de déterminer combien chaque catégorie de professeur donne de cours en moyenne.
   
Nombreux sont les directeurs d’universités d’Etat qui affirment que face aux restrictions budgétaires et par souci d’économie, il est impossible de faire autrement que d’employer des contractuels. Charles F. Harrington, principal de l’université de Caroline du Nord (Pembroke) raconte : « Nous devons jongler entre la pression publique qui demande une plus grande responsabilité, des contrôles financiers toujours plus rigoureux et un financement public en déclin ». Il ajoute : « Un des moyens les plus faciles et les plus pratiques pour répondre à ces pressions est d’employer du personnel a temps partiel », pourtant il signale que les universités qui auraient trop tendance à se reposer sur ce type de personnels « jouent un jeu vraiment très dangereux ». Mark B. Rosenberg, président des universités de Floride affirme quant à lui que les employés contractuels apportent aux étudiants leur expérience du monde réel et permettent de combler les manques dans des matières comme l'infirmerie, les maths, la comptabilité et d'autres disciplines où le personnel qualifié fait défaut. Il ajoute, par ailleurs, qu’un changement ne se ferait pas sans frais.
   Les enseignants racontent que souvent il n'est pas demandé aux auxiliaires d'avoir soutenu une thèse et qu'ils ont aussi moins le temps de rencontrer les élèves. Les recherches suggèrent que les étudiants qui choisissent de prendre la majorité de leurs cours avec ces enseignants ont une probabilité plus faible d’obtenir leur diplôme. « En réalité, ce que nous faisons, c'est offrir une éducation de moins bonne qualité à ceux qui en ont le plus besoin », commente Ronald G. Ehrenberg, directeur de l'Institut Cornell d'Education Supérieure et de Recherche, tout en faisant remarquer que l'envolée du nombre de contrats auxiliaires est plus prononcée dans les universités 1 [tenure-track : Lecturer, Adjunct Professor, or Research Professor, l’équivalent chez nous seraient les maîtres de conférences et les assistants] Ndt. locales et dans les universités d'Etat les moins select. Les universités d’élite, à la fois publiques et privées, ont moins d’auxiliaires. « Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'auxiliaires qui soient de super enseignants », dit le Dr. Ehrenberg. « Nombreux sont ceux qui ne disposent pas des avantages qu'apporte un poste de titulaire en termes de bureaux, de secrétariat ou de temps. Leur service est plus lourd et ils ont moins le temps de se préoccuper des étudiants. ». Le Dr. Ehrenberg et un de ses collègues ont analysé les données nationales sur 15 ans. Ils ont constaté que les taux de réussite décroissent quant les universités font appel à un plus grand nombre de personnels auxiliaires. Plusieurs études menées individuellement par certaines universités ont démontré que les étudiants de premières années dont les cours seraient assurés en grande partie par ce type de personnels seraient plus enclins à abandonner leurs études. Pour Eric P. Bettinger, professeur d’économie à l’Université Case Western Reserve de Cleveland « avoir un cours donné par un auxiliaire n’est pas nécessairement mauvais, par contre en avoir beaucoup pourrait l'être ».
   
Les étudiants expliquent qu'ils n'arrivent souvent pas à dire si tel enseignant est contractuel ou non. Mark Brennan, étudiant en deuxième année à l'Université de Michigan, Deaborn, considère que les cours dispensés par les auxiliaires sont en règle générale plus basiques et les examens moins difficiles. Pour M. Brennan, « ils ont tellement de cours qu’ils donnent des examens plus faciles à corriger ». Carly Matkovich, étudiante de dernière année à l’université, raconte qu’elle a mieux accroché avec des professeurs contractuels notamment parce qu’ils ont plus d’expérience pratique. Mais, il est plus difficile de trouver du temps pour parler avec eux en dehors des cours. « Ils ne sont jamais là. J’ai un peu l’impression d’être trompée sur la marchandise ».
   
Dans certains départements, la proportion de personnels titulaires est étonnement basse. Le département de psychologie de l’Université internationale de Floride, à Miami, a 2400 étudiants en 2ème cycle pour seulement 19 professeurs titulaires, selon le département d’autoévaluation. Il est possible pour un étudiant en 2ème cycle de psychologie d’obtenir son diplôme sans avoir assisté à un seul cours dispensé par un titulaire.
   « On a atteint un point extrême » dit Suzanne Rose, professeur de psychologie, qui a démissionné en août de la direction du département notamment parce qu’elle ne pouvait pas embaucher le nombre nécessaire, selon elle, de professeurs titulaires. « Je suis vraiment préoccupée par la qualité ». Ronald Berkman, principal à Floride International, conteste ces chiffres en affirmant que le département de psychologie comporte 23 professeurs titulaires et 5 enseignants en contrat. Le département serait en cours de recrutement de 3 nouveaux titulaires selon le Dr Berkman. « Ceci ne veut pas dire qu’il n’en faudrait pas davantage, ce qui est le cas ». Le statut de titulaire importé aux Etats-Unis du système allemand avait pour but de garantir la liberté académique aux professeurs en les protégeant du licenciement. Certains soutiennent que cela protège aussi les incompétents et les paresseux et que parfois les universités se trouvent lestées de professeurs dont les disciplines ne sont plus d’actualité. Le manque de titularisations rend les auxiliaires plus vulnérables. Nombreux sont les cas où les professeurs non titulaires ont été licenciés après des querelles avec la direction pour des raisons aussi diverses que le système de notation des étudiants ou une divergence d’opinion sur des articles parus dans la presse. Ces dernières années, de nombreux syndicats ont tenté de se saisir du dossier des personnels auxiliaires. La Fédération américaine des enseignants a réussi à syndiquer des professeurs à plein temps en CDD à l’Université de Michigan Est ; sur les campus de l’université de Michigan à Ann Arbor, Deaborn et Flint, ils sont aussi parvenus à syndiquer des auxiliaires à temps partiel et à temps plein. Pour David Hecker, président de la fédération des enseignants : « les personnels auxiliaires sont tellement exploités que la seule difficulté pour les syndiquer c’est de les trouver ». Keith Hoeller, qui enseigne la philosophie depuis 17 ans à temps partiel à Seattle le définit en ces termes : « c’est un système de castes et nous sommes les intouchables de l’académie ».
   Aletia Droba a enseigné durant 10 ans comme professeur à temps partiel du côté de Detroit. Elle affirme avoir été payée moins de 1400 dollars pour un cours dans les universités locales et 2400 dollars la classe dans les universités. Mme Droba raconte qu’il lui est arrivé, certains semestres, de donner jusqu’à sept cours dans quatre universités locales, y compris de l’autre côté de la frontière, au Canada. Cet automne elle a décroché un temps plein en CDD. Durant l’automne et le printemps, elle va donner cinq cours, moins que ce qu’elle a souvent enseigné en un seul semestre à temps partiel. Les heures passées au volant, quant elle était en temps partiel, à courir d’une université à une autre ne manqueront pas à Mme Droba : « Mes étudiants me demandent souvent comment je fais pour connaître aussi bien l’actualité et je leur réponds que j’écoute la Radio publique nationale toute la journée ».

   Autres liens intéressants :
Analyse économique de l'enseignement supérieur en France :
http://mail.google.com/mail/?attid=0.2&disp=vah&view=att&th=11680c50452f244a
Pour mieux comprendre la loi LRU :
http://mail.google.com/mail/?attid=0.3&disp=vah&view=att&th=11680c50452f244a
Vers la mise à mort de notre système de recherche ? :
http://mail.google.com/mail/?attid=0.4&disp=vah&view=att&th=11680c50452f244a
Clés de la réforme des université :
http://mail.google.com/mail/?attid=0.5&disp=vah&view=att&th=11680c50452f244a

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Journal des étudiants de Reims mobilisés contre la LRU
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